EXEMPLES DE DISSERTATIONS "SUR MESURE" TRAITEES PAR NOTRE EQUIPE
Exemple 1 :"souviens-toi": que vaut cet impératif? : (posée le 17/09/2006)
Question
sujet de la dissertation:
"souviens-toi": que vaut cet impératif?
Réponse
La thématique du souvenir est une thématique classique de la poésie romantique. Victor Hugo, par exemple, construit tout son fameux Demain dès l'aube, sur la culture du souvenir de sa fille perdue, Léopoldine. Baudelaire lui fait écho, quand dans L'horloge il écrit : Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, / Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi !". Le souvenir apparaît ici comme un impératif de vie que l'homme ne peut dépasser ou éviter. Le souvenir est comme un appel auquel se suspend l'existence de l'homme. Pourtant Nietzsche explique, au début de la seconde de ses Considérations inactuelles, que l'homme serait plus heureux s'il était oublieux, comme le mouton qui ne se laisse pas poursuivre par la douleur du temps qui passe.
La question de la valeur du souvenir se pose alors dans toute son acuité. Est-ce que le poids du passé qui habite le souvenir et emplit la mémoire a une valeur en soi. Comment l'homme peut-il vivre le présent et appréhender le futur si sans cesse le passé lui revient ? Le problème du souvenir semble donc lié au fait que les événements passés qui nous reviennent à travers lui sont des expériences qui orientent notre compréhension de l'avenir en nous guidant parfois, mais également en restreignant notre liberté et en limitant nos choix. Le souvenir est-il indépassable ? N'est-il qu'un auxiliaire de vie, ou pèse-t-il comme un impératif aliénant ?
Nous chercherons tout d'abord à comprendre la mécanique psychique et émotionnel du souvenir, ce qui nous engagera à le voir comme une aide précieuse qui permet à l'homme de s'orienter. Toutefois, il nous faudra ensuite constater que le souvenir pèse plus souvent qu'il ne nous est utile, ce qui nous conduira à en montrer le caractère aliénant. Voir ainsi le souvenir comme un impératif handicapant nous permettra toutefois de nous interroger sur la possibilité de transformer cet impératif en force, c'est-à-dire de ne plus le voir comme un fin mais un moyen de nos choix.
I. S'il apparaît d'abord que le souvenir est une aide, c'est en tant qu'il est une mémoire de nos expériences passées qui nous apprend à nous connaître à la fois subjectivement dans notre rapport émotionnel aux choses (a), et objectivement, dans l'évaluation de notre pouvoir sur les choses telles qu'elles existent (b). Dès lors, le souvenir semble être un impératif qui a une valeur heuristique, c'est-à-dire qu'il s'offre à nous comme le moyen d'identifier l'avenir et de le construire (c).
II. Néanmoins, comme le remarque Freud dans ses Topiques au sujet du poids des souvenirs sur l'inconscient, le souvenir charrie en lui les douleurs du passé (a) et provoque les angoisses de l'individu face à l'avenir, tant dans la crainte de voir se reproduire ce que nous craignons, que dans celle de ne pas pouvoir refaire ce que nous avons réussi (b). Le souvenir apparaît donc comme une mécanique de paralysie ou d'aliénation qui ensevelit l'homme sous le poids de son passé et en fait un être timoré et ruminant, comme l'explique Nietzsche (c).
III. Cette façon de voir le souvenir comme un impératif aliénant peut toutefois peut-être être dépassée. En effet, le souvenir se trouve à distance et nous donne le temps de la réflexion (a). Dès lors, comme le note Aristote, au début de la Métaphysique en détaillant la force de la mémoire humaine, le souvenir est le propre d'un homme rationnel qui peut choisir son existence (b). Ainsi, le souvenir ressemble à l'impératif hypothétique kantien, puisque l'entendement humain peut envisager au moyen de la mémoire, les possibilités de changer le cours de son existence (c).
Question supplémentaire
le prof a proposé une bibliographie :
saint augustin
bergson
husserl
ricoeur
comment les utiliser?
Réponse
Je pense que ces auteurs font partie d'une même trajectoire dans l'esprit de votre professeur, qui attend de vous que vous traitiez de l'approche phénoménologique de la mémoire, et de sa genèse telle qu'elle est envisagée par Ricoeur dans "La mémoire, l'histoire et l'oubli". En gros, il s'agit de mettre en question l'idée aristotélicienne que la mémoire serait comme une faculté neutre et objective qui est à la disposition de l'homme. La mémoire doit plutôt faire l'objet d'un travail de reconstruction qui indique à la fois ses faiblesses, ses faillites (itinéraire dont Augustin décrit la difficulté et les errements dans ses "Confesssions"), mais également sa force. En effet, comme le souligne Husserl, dans "L'intentionalité de la conscience", ou encore Bergson dans "Matière et mémoire", la mémoire est le fruit d'un travail de construction qui invente autant qu'il collecte d'informations passées, puisque ces informations se superposent aux nouvelles expériences, s'y mêlent et permettent de les réinterpréter. Vous pouvez donc évoquer ces auteurs dans la troisième partie pour mettre en lumière la force du souvenir qui n'est pas tant un impératif paralysant qu'une somme d'indications permettant la construction de soi.
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Exemple 2 : L'expression perdre sa liberté a-t-elle un sens ? (posée le 09/02/2007)
Question
points vus en cours: Rousseau Chapitre 4 du contrat social et Sartre "l'homme est condamné à être libre"
Quelle définition donnée de la liberté ?
Comment faire l'accroche de l'introduction ?
Nous n'avons pa vus le thème La Liberté en cours , nous avons juste étudié Rousseau Chap 1,2,3,4
Quel plan faire et comment réaliser la conclusion (faut-il reprendre les différentes parties du plan) ?
Réponse
Dans Matrix 1, Néo, le héros, est séquestré pas la police politique de l'univers virtuel, "la Matrice". Il demande à pouvoir téléphoner, conformément à ses droits, mais constate juste après l'avoir dit qu'il ne peut plus ouvrir la bouche : son visage a été modifié par l'agent qui lui répond qu'il ne sert à rien de téléphoner lorsque l'on n'est pas en mesure de parler. La scène pourrait être triviale, mais elle interroge la notion même de liberté en ce qu'elle a de plus fondamental : classiquement définie comme pouvoir de faire ce que l'on souhaite, à quoi rime une liberté qui se trouve sans cesse bornée par notre pouvoir fini, par les limites de notre corps et les faiblesses de notre esprit ?
A cet égard, l'expression "perdre sa liberté" révèle toute son ambiguïté. En effet, cette expression ne semble avoir un sens que si elle correspond à une réalité. Pas de liberté sans pouvoir pourrions-nous dire. Toutefois, nous constatons également que toute nos actions peuvent se penser sur le mode du déterminisme, dans la mesure où nous pouvons les expliquer à partir de causes qui pèsent sur notre volonté, et non simplement à partir de nos raisons libres d'agir. En ce sens, nous avons bien un sentiment de liberté, mais ce sentiment ne correspond à aucun pouvoir réel. Perdre sa liberté reviendrait alors à perdre non un pouvoir mais une idée. L'expression aurait-elle alors encore un sens, ou ne serait-elle qu'une façon de parler dépourvue de signification profonde ?
Nous nous attacherons à montrer tout d'abord que la liberté semble reposer sur le pouvoir de dominer les obstacles matériels et psychologiques pour décider par soi-même et réaliser cette décision. Néanmoins, nous constaterons que si la perte de la liberté semble alors avoir un sens concret, cette perte devient insignifiante dès l'instant où nous réalisons qu'une telle liberté n'est que le fait de l'ignorance, ce qui nous poussera à repenser la liberté comme un sentiment et non comme une réalité. Toutefois, nous devrons enfin constater que la signification de la liberté s'en trouverait alors considérablement appauvrie, ce qui nous conduira à nous interroger sur la possibilité de redonner un sens réel à l'effectuation de l'acte libre.
I. Comme semble le dire Hobbes, la liberté semble dépendre de la capacité à modifier l'ordre des choses selon ses désirs (a), ce qui semble induire le fait que perdre sa liberté, c'est perdre sa capacité à exprimer des désirs et à pouvoir les réaliser (b), c'est-à-dire se voir entravé dans le mouvement de son corps et dans sa capacité de pensée (c).
II. Néanmoins, une telle liberté comme indépendance de soi (corps et esprit) vis-à-vis de l'ordre causal du monde relève peut-être d'une illusion, puisque nous pouvons constater que la liberté que nous croyons posséder ainsi n'est que le fruit de notre ignorance des causes qui nous poussent à agir, comme le montre Leibniz dans la perspective de la Monadologie (a). Dès lors, peut-être faut-il redéfinir la liberté comme la capacité à comprendre ce qui nous détermine, c'est-à-dire qu'être libre signifierait pouvoir comprendre ce qui nous pousse à agir pour ne plus le subir passivement (b). Nous devons alors reconnaître que perdre sa liberté, c'est perdre son discernement, c'est-à-dire ne pas pouvoir être autonome au sens de Rousseau (c).
III. Toutefois, une telle compréhension de la liberté semble faire de nous non les maîtres de nos actes, mais les spectateurs de ce qui nous arrive (a), ce qui semble contredire les sentiment que nous avons de notre liberté profonde comme capacité à être cause de nous-mêmes, c'est-à-dire à changer l'ordre des choses et à agir volontairement sans être déterminés, ce que montre bien Sartre dans la capacité que nous avons de refuser l'imposition d'une cause extérieure à nous-mêmes (b). Dès lors, avec Sartre, nous devons plutôt penser que la perte de la liberté correspond à une perte de l'humanité, dans la mesure où l'homme perd ainsi ce qui le distingue d'une chose inanimée : il perd la capacité à penser les fins de son action (c).
Question supplémentaire
Où mettre dans le plan la partie sur Rousseau Chap 4 du contrat social ("Renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme", "le droit d'esclavage est nul, non seulement parce qu'il est illégitime, mais parcequ'il est absurde et ne signifie rien") ?
Réponse
Vous pouvez placer cela entre la deuxième et la troisième sous-partie de la deuxième partie, au moment où vous expliquez l'autonomie selon Rousseau. L'idée est de montrer que nous ne sommes pas libres de façon purement abstraite, mais que notre liberté dépende de notre capacité à rationaliser ce qui nous arrive et ce que nous pouvons faire. Autrement dit, vous pouvez défendre l'idée que la liberté est le pouvoir proprement humain de comprendre les conditions de son action et d'agir de façon responsable en opérant un choix parmi les causes qui nous déterminent. Renoncer à une telle rationalisation signifierait alors devenir une chose ou un animal comme les autres, qui est le pur objet de la causalité du monde sur lui-même, sans liberté de choix et de décision. Le renoncement est donc une absurdité à la fois au plan métaphysique (puisque ce qui fait de moi un homme par nature est le pouvoir de décision) et au plan moral (puisque ce qui fait de moi un homme est la responsabilité que j'ai lors de l'effectuation de l'acte).
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Exemple 3 : Peut-on nous fier à la conscience que nous avons de nous-mêmes ?
Réponse
Le problème de ce sujet tient à un paradoxe assez simple.
D'une part, nous avons une conscience très précise de ce que nous sommes et faisons, c'est-à-dire que nous possédons un savoir de nous-mêmes (conscience = cum-scientia, avec science) qui nous apparaît comme le meilleur possible du fait que nous sommes apparemment les mieux placés (les plus proches) pour nous connaître. Mais d'autre part, nous savons aussi que nous ne sommes pas toujours honnêtes avec nous-mêmes ou même, plus simplement, que nous ne sommes pas toujours les plus objectifs et les mieux à même de dire vrai sur nous (nous manquons d'impartialité ou même de recul).
Le problème qui doit ici être discuté sera donc celui de savoir sur quoi se fonde et comment fonctionne la perception que nous avons de nous-mêmes afin de pouvoir répondre à la question de savoir si notre connaissance de nous-mêmes est fiable.
I. Il convient de partir du fait que nous sommes les plus proches de nous-mêmes et que nous pouvons nous fier à notre conscience de nous-mêmes. Cette proximité repose sur un certain nombre de critères comme ceux de la perception sensible (les sensations que nous avons de notre corps) - a -, de la représentation mentale (l'image que nous construisons à partir de ces perceptions) - b - et du jugement moral (la façon dont nous nous jugeons et la valeur que nous nous accordons) - c. Ces trois critères conduisent alors à penser
II. Cependant, nous devons remarquer qu'un certain nombre de problèmes apparaissent dans la construction de la conscience. Nous jugeons toujours avec une certaine indulgence (nous cherchons à nous excuser) - a -, dans la mesure où nous ne nous considérons pas pleinement comme responsables de nos actes (nous nous pensons comme déterminés par des causes conscientes ou inconscientes que nous ne maîtrisons pas) - b - et où nous dissocions radicalement nos intentions de la réalisation concrète de ces actes - c -.
III. Dès lors, il convient de constater que nous ne pouvons avoir qu'une confiance conditionnelle dans notre conscience. En effet, cette confiance repose sur le fait que nous avons évidemment conscience au plus haut point de ce qui se passe en nous - a -, sans pour autant que cette conscience ne soit une connaissance rationnelle, suffisante et claire, - b - ce qui implique que nous ne pouvons nous y fier qu'après nous être nous-mêmes soumis au regard des autres et à une introspection rigoureuse - c -.
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